Dès que quelqu'un prononce son nom, je rougis. Dès que quelqu'un parle de lui, je reçois comme une flèche en plein cœur. Il hante toujours mes pensées, mais moins qu'avant. J'essaye de contrôler mes émotions, et j'y arrive tant bien que mal, mais il y a de nets progrès.
Aujourd'hui, il est venu à la maison pour voir mon colocataire. Je n'ai pas rougi. Je n'ai pas eu de papillons dans le ventre. Je n'ai pas bégayé. J'ai réussi à avoir les pensées claires. Serais-je en phase de guérison ? Vaincrais-je cette maladie nommée Amour ?
Aujourd’hui, je
suis tombée amoureuse. C'est la première fois que cela m'arrive, après plus de vingt-cinq années d'existence.
Pourtant, je
pensais déjà avoir connu ce sentiment, mais cela devait être plutôt de
l’admiration ou tout simplement un coup de foudre passager. J’ai longtemps eu une sensation d'indifférence envers le genre
masculin, une sorte d'aversion pour le romantisme, trouvant tout cela complètement
futile. Le sentiment amour eux était donc une chose que je ne connaissais qu’à travers les
livres et les films. J’étais incapable de ressentir ce qu’éprouvaient les héroïnes de ces œuvres.
C’est arrivé
si soudainement. Ce sentiment m’a étreint, m’a touchée au plus profond de mon être sans que je ne demande rien à personne. Pourtant, je ne
sais pas comment j’ai pu en arriver à ressentir ce genre de sentiments envers
cette personne. Cette personne, c'est un collègue de travail. Je n’éprouvais absolument rien
pour lui avant, du moins rien de spécial et pas plus qu’envers un autre collègue. Je le connais depuis maintenant quatre mois, j’ai déjà discuté avec lui, que ce soit au boulot ou lors de fêtes. Et je n'avais jamais eu ce sentiment envers lui auparavant : je n'y comprends plus rien, je ne comprends pas ce qui se passe en moi. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point, comme disait Pascal. Jamais cette phrase ne m'a paru sonner aussi juste.
J’ai honte de ce
sentiment. Etrangement, pour moi l’amour est un signe de faiblesse. La première
fois que je me suis rendue compte de ce sentiment, c’était la semaine dernière :
un matin, rien qu’en le voyant, j’ai eu comme un choc électrique. Mon ventre me démangeait, comme si des centaines de papillons y battaient des ailes pour en sortir. Les autres symptômes suivants m'ont mis la puce à l'oreille quant à ce mal étrange qui m'attaquait : le manque d’appétit, le regard
dans le vague, et mon incapacité à structurer mes pensées. J’ai peur que cela ne se remarque car mes joues rougissent un peu dès qu'il n'est pas très loin... J'avais dit à des amies quelques semaines auparavant que je
n’avais jamais vraiment connu ce sentiment, et que mon cœur n'était qu'une pierre : ma fierté en a pris un coup. Moi, amoureuse ?
Je suis perdue.
Perdue, parce que j’ai peur de ce sentiment. Perdue, parce que c’est la première fois que cela m’arrive. Il obsède mes pensées. Mon cœur bat la
chamade lorsqu’il est tout près, mais j’évite de croiser son regard, par pure timidité. Je me dis que j’arriverai finalement à l’oublier un jour ou l’autre,
car plutôt mourir que d’avouer mes sentiments. Je préfère souffrir en silence. Même si à chaque fois que je le vois, j'ai l'impression de recevoir une flèche qui me touche en plein cœur. Littéralement.
Je ne veux pas de
ces sentiments. Je veux redevenir comme avant, le considérer comme un simple collègue de travail. Je veux guérir de cette maladie nommée "amour" et qui commence à me ronger de l'intérieur...
La vraie vertu humaine n'est pas purement négative. Elle ne consiste
pas seulement à s'abstenir de toutes les choses qui sont réprouvées par
le droit et la morale ; elle consiste aussi et bien davantage, à faire
acte d'énergie, de talent, de volonté, de caractère contre le
débordement de toutes ces personnalités qui, par le seul fait de leur
vie, tendent à nous effacer. Sustine, dit le stoïcien, et abstine ; souffrir, c'est-à-dire combattre, voilà le premier point ; s'abstenir, voilà le second.